Bilan carbone : définition
Créé au début des années 2000 par l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) en collaboration avec Jean-Marc Jancovici, le bilan carbone repose sur une approche méthodologique définie. C’est un outil qui permet d'évaluer les émissions de GES d'une organisation, d'un produit ou d'un service. En gros, il consiste à faire un diagnostic pour identifier les sources d'émissions et pour mettre en place des stratégies de réduction. Cette méthode de calcul repose sur des données bien précises et un périmètre d'analyse bien défini.
Objectifs du bilan carbone
- Mesurer l'empreinte carbone : c’est à dire évaluer la quantité totale de GES émis par une organisation ;
- Identifier les leviers de réduction : il faut alors déterminer où des économies d'énergie peuvent être faites dans le système énergétique de l'organisation ;
- Suivre les progrès : cela consiste à évaluer l'efficacité des actions mises en place pour réduire les émissions.
Le calcul du bilan carbone
Le bilan carbone repose sur une méthodologie standardisée et des normes reconnues qui prennent en compte les différentes sources d'émissions. Il est généralement divisé en trois catégories, appelées "scopes", selon une méthode précise de classification.
Les scopes : une classification des émissions
Et justement, parlons maintenant des scopes, ces fameuses catégories créées pour classer les émissions de GES en fonction de leur origine.
Scope 1 : les émissions directes
Le scope 1 regroupe toutes les émissions de GES qui viennent directement des activités de l'organisation. Elles incluent donc la combustion de combustibles fossiles, les émissions causées par les chaudières, les voitures de l’entreprise, etc. Elles intègrent également les émissions provenant des procédés de fabrication des produits dans les procédés industriels.
Scope 2 : les émissions indirectes liées à l'énergie
Le scope 2 concerne les émissions indirectes associées à la consommation d'énergie dans l’entreprise. Elles intègrent les émissions générées par la production d'électricité utilisée au sein de l’entreprise et les émissions liées à la consommation de chaleur ou de vapeur dans les processus énergétiques.
Scope 3 : les autres émissions indirectes
Le scope 3 est plus vaste. Il regroupe toutes les autres émissions indirectes qui ne sont pas comprises dans les scopes 1 et 2. Quelques exemples : les émissions liées à la production des biens et des produits achetés par l'organisation ou encore les émissions induites par les voyages des employés et le transport des marchandises. Des émissions qui résultent des déchets générés par l'organisation, par exemple, seront eux aussi classés en scope 3.
L'importance des scopes pour les entreprises
Pour réduire son empreinte carbone, l’entreprise n’a pas donc choix que de comprendre les scopes. En classifiant ses sources d’émissions, l’organisation peut alors mettre en place des stratégies ciblées pour diminuer son impact environnemental et améliorer sa performance RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). C’est pourquoi on voit aujourd’hui de plus en plus de personnes faire une formation RSE. C’est un métier très recherché en entreprise.
Avantages de la classification par scopes
La classification par scopes permet aux entreprises de voir clairement quelles émissions résultent de leur activité. Cela va les aider à identifier les domaines où il fait agir sans attendre. Cette analyse des données est indispensable pour toute entreprise qui souhaite réduire ces émissions de gaz à effet de serre.
Les scopes vont aussi faciliter le respect des obligations légales en matière de reporting de durabilité, notamment avec la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).
Cadre légal et obligations
En France, certaines entreprises sont tenues de réaliser un bilan d'émissions de gaz à effet de serre (BEGES) tous les trois ans. Cette obligation concerne les cas suivants :
- Les entreprises de plus de 500 salariés ;
- Les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants ;
- Les établissements publics de plus de 250 agents ;
La loi Grenelle II et la Stratégie Nationale Bas-Carbone
La loi Grenelle II impose aux entreprises de mesurer et de publier leurs émissions de GES pour renforcer la transparence et la responsabilité environnementale des entreprises. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas-Carbone qui guide les Directions Générales dans leurs efforts de réduction des émissions.
Les catégories de bilan carbone
Il existe plusieurs types de bilans carbones adaptés à différents contextes :
- Le bilan carbone organisationnel : il évalue les émissions d'une structure professionnelle, administrative ou collective. Il intègre les activités directes (énergie, logistique) et indirectes (achats, déplacements du personnel, gestion des déchets) ;
- Le bilan carbone territorial : il mesure les émissions d'une zone géographique spécifique (commune, département, nation) en considérant tous les domaines d'activité : habitat, mobilité, secteur industriel, agriculture, etc. ;
- Le bilan carbone produit : il détermine l'empreinte carbone d'un produit ou service sur son cycle de vie complet, de l'extraction des ressources au recyclage ;
- Le bilan carbone individuel : il calcule les émissions liées aux habitudes de vie personnelles (habitat, déplacements, nutrition, achats).
Bilan carbone en France VS le reste du monde
Bilan carbone en France
2023 : un Français génère en moyenne une empreinte carbone d'environ 9,9 tonnes de CO₂e annuellement, marquant une diminution modérée comparée aux exercices antérieurs. Cette empreinte se décompose principalement entre l'habitat (25%), la mobilité (23%), les habitudes alimentaires (20%) et la consommation de biens (18%).
Entreprises françaises : d'après les données de l'ADEME, uniquement 25% des organisations concernées par l'obligation légale ont effectué leur évaluation carbone en 2023. Pour celles l'ayant réalisée, l'impact varie significativement selon les activités : de 50 tonnes CO₂e par employé dans le tertiaire jusqu'à plus de 500 tonnes dans l'industrie lourde.
Territoires : les empreintes des collectivités françaises varient considérablement en fonction de leurs caractéristiques socio-économiques. Les zones métropolitaines industrielles, par exemple, génèrent entre 12 et 15 tonnes CO₂e par résident, alors que les régions rurales se situent entre 6 et 8 tonnes.
Bilan carbone dans le monde
2023 : l'empreinte carbone mondiale moyenne atteint 6,8 tonnes CO₂e par personne, avec des écarts considérables. Les nations les plus émettrices comme le Qatar (37 tonnes/hab.), les États-Unis (16 tonnes/hab.) ou l'Australie (15 tonnes/hab.) contrastent fortement avec les pays en développement (1 à 2 tonnes/hab.).
Secteur privé mondial : une analyse du CDP (Carbon Disclosure Project) indique que seulement 35% des entreprises du Fortune 500 communiquent leur bilan carbone complet, incluant les émissions indirectes (scope 3). Parmi ces entreprises, 60% ont constaté que leurs émissions indirectes constituent plus de 70% de leur empreinte globale.
Objectifs VS réalité : pour atteindre les engagements de l'Accord de Paris, l'empreinte carbone mondiale doit être réduite de moitié d'ici 2030, passant de 53 GtCO₂e à approximativement 25 GtCO₂e. Les évaluations carbones actuelles démontrent que nous sommes considérablement éloignés de cet objectif ambitieux.

Sources pour les données France
ADEME – Nos gestes climat et statistiques nationales
SDES – Service des données et études statistiques
Carbone 4 – Empreinte carbone des Français
Sources pour les données mondiales
Global Carbon Atlas – Statistiques par pays
CDP – Rapport sur l'Action Climatique des Entreprises 2024
Our World in Data – Émissions de CO₂ et de Gaz à Effet de Serre
France vs Monde : une évolution graduelle de la conscience environnementale
La France se positionne à un niveau intermédiaire dans la réalisation des bilans carbone, avec des avancées significatives mais encore insuffisantes :
En France, la pratique du bilan carbone croît progressivement. L'obligation légale imposée aux grandes entreprises et collectivités (loi Grenelle 2) a initié une première phase de sensibilisation. On constate déjà certains progrès avec :
- le déploiement d'outils adaptés aux PME,
- l'incorporation croissante du bilan carbone dans les démarches RSE
- le renforcement de l'expertise des consultants spécialisés.
Fait notable : la précision des bilans carbones effectués reste tout de même variable d’une entreprise à l’autre. En effet, de nombreuses organisations se concentrent uniquement sur les émissions directes (scope 1 et 2), délaissant les émissions indirectes (scope 3), pourtant généralement prépondérantes.
À l'échelle internationale, la pratique du bilan carbone se développe aussi de façon disparate. Les nations industrialisées ont des méthodologies sophistiquées et des instruments de mesure avancés, mais ce n’est pas le cas pour le pays en développement Ce déséquilibre rend difficile l'établissement d'une comptabilité carbone universelle et harmonisée.
Les défis méthodologiques
- La complexité du scope 3 : les émissions indirectes constituent généralement 70 à 90% de l'empreinte carbone globale, mais leur quantification demeure imprécise en raison du manque de données détaillées provenant des fournisseurs et des partenaires commerciaux.
- L'harmonisation des méthodes : la coexistence de multiples référentiels (Bilan Carbone® ADEME, GHG Protocol, ISO 14067) rend difficile l'établissement de comparaisons pertinentes entre les différentes organisations.
- La fiabilité des facteurs d'émission : les indices utilisés pour transformer les activités en équivalent CO₂ sont en constante évolution et diffèrent selon les régions, introduisant des marges d'erreur dans les évaluations.
Comment mon entreprise peut-elle réaliser son bilan carbone et agir pour réduire son empreinte ?
Étape 1 : définir le périmètre et collecter les données
La première phase implique une définition rigoureuse des éléments à quantifier. Pour toute organisation, cela passe par une cartographie des activités et une délimitation précise des frontières organisationnelles (incluant ou non les filiales) et opérationnelles (définissant les émissions directes et indirectes à prendre en compte). La phase de collecte des données représente généralement l'étape la plus chronophage : elle englobe les consommations d'énergie, les déplacements effectués, les volumes d'achats de matières, l'effectif du personnel...
Étape 2 : sélectionner la méthodologie et les outils adaptés
Les entreprises disposent de différentes options selon leur taille et leurs capacités. Les grands groupes privilégient souvent l'expertise d'un cabinet spécialisé appliquant la méthodologie Bilan Carbone® ou le GHG Protocol. Les PME peuvent aussi opter pour des solutions digitales comme celles proposées par l'ADEME ou Carbo.
Étape 3 : évaluer les résultats et définir les priorités
L'analyse du bilan révèle fréquemment des découvertes inattendues. Les émissions indirectes (scope 3) constituent généralement 70 à 90% de l'impact total, incluant des postes parfois insoupçonnés tels que l'équipement informatique, la restauration professionnelle ou les placements financiers. Ce panorama permet de prioriser les actions : il est plus impactant de réduire un poste représentant 30% des émissions qu'un autre ne pesant que 2%.
Étape 4 : élaborer un plan d'action réaliste
Les conclusions du bilan carbone doivent se traduire par un programme d'actions, accompagné d'indicateurs quantifiables et d'un planning détaillé. Les premières initiatives se concentrent généralement sur l'efficacité énergétique (adoption d'énergies renouvelables, renforcement de l'isolation thermique), la diminution des déplacements professionnels (mise en place du travail à distance, utilisation accrue des outils de conférence virtuelle, préférence pour le transport ferroviaire plutôt qu'aérien) et l'évolution des pratiques d'approvisionnement (privilégier les fournisseurs de proximité, intégration de critères écologiques).
Les transformations plus importantes, comme la réinvention du business model ou la reconception des produits, demandent des investissements plus conséquents mais produisent également des bénéfices plus substantiels.
Étape 5 : suivre et communiquer sur les progrès
Un bilan carbone n'est pertinent que s'il fait l'objet d'une mise à jour périodique, de préférence annuelle. Cette démarche permet d'évaluer l'impact des mesures déployées et de réajuster la stratégie selon les besoins. La diffusion des résultats, en interne comme en externe, met en valeur les progrès accomplis et entretient la dynamique d'amélioration.
Se faire accompagner pour réussir
La réalisation d'un premier bilan carbone nécessite un certain nombre de compétences, d'où l'intérêt de suivre une formation climat ou d’autres formations de ce type à l’école RSE. Ces formations permettent d'appréhender le bilan carbone non comme une obligation administrative, mais comme un investissement stratégique pour la performance environnementale et économique de l'organisation.