Directions financières : il faut se former, annonce Hervé Gbego, que nous avons reçu lors d’un Indiclub passionnant.
Notre réflexion s’est articulée autour de 3 questions :
1. Pourquoi le pilotage de l’entreprise doit-il être durable ?
2. Quel est le rôle de la direction financière ?
3. Comment intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises ?
Qui est Hervé Gbego ?
Se définissant avant tout comme un expert-comptable, Hervé prend part à de nombreuses organisations : associé du cabinet de conseil en management Endrix, il est aussi un membre important du Conseil national de l’ordre des experts-comptables, président de l’association des directeurs financiers et contrôleurs de gestion et co-fondateur du CERCES (Cercle des Comptables Environnementaux et Sociaux).
"Je me suis intéressé au développement durable très tôt dans ma carrière : je me suis formé à la méthodologie carbone dès 2010, les gens me voyaient comme un illuminé !” Aujourd’hui on peut dire qu’Hervé est porte-parole d’un nouveau pilotage de l’entreprise.
Pourquoi le pilotage de l’entreprise doit-il être durable ?
Il y a plusieurs raisons qui rendent le pilotage durable nécessaire :
Les rapports du GIEC nous indiquent qu’il y a urgence et nous mettent face à une nécessité d’agir
On assiste à un changement de paradigme
Aujourd’hui c’est compliqué d’évoluer dans un environnement où l’on attend plus de responsabilité : les consommateurs demandent plus de bio, plus de circuits courts… Les entreprises doivent s’adapter.
On observe une certaine pression venant des collaborateurs
- Les étudiants qui arrivent sur le marché du travail ne veulent plus d’un métier qui n’a pas de sens
- Les investisseurs à impact mais aussi plus classiques (comme Blackrock) ont des exigences de plus en plus rigoureuses en matière de RSE
La réglementation se précise de jour en jour avec de nouvelles normes
Par exemple, les grandes sociétés sont soumises au devoir de vigilance ce qui les oblige à vérifier les performances RSE de leurs sous-traitants.
Mais ces règles sont-elles suivies ?
Même si aujourd’hui les entreprises peu vertueuses sont rarement punies par la loi, elles font face à un risque de réputation. Les rapports RSE produits par des auditeurs externes sont obligatoirement rendus publics, et peuvent mettre en danger l’image de l’entreprise.
Pourquoi faut-il autant de temps pour qu’une véritable réglementation se mette en place ?
Dans les années 2000, le candidat à la présidence américaine, Al Gore, compare la prise de conscience humaine à une grenouille dans de l’eau chaude. Si l’on fait chauffer progressivement l’eau, la grenouille ne s’en rend pas compte et finit par mourir. Mais si on la met directement dans de l’eau bouillante, elle saute immédiatement et se sauve. Ainsi se comporte l’homme face aux questions climatiques : il n’agit qu’en situation d’urgence.
Au niveau européen, un tiers du plan de relance est consacré au Green Deal, c’est beaucoup. Il manque néanmoins une standardisation des normes RSE : en comptabilité extra-financière on parle de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) et de l’ISSB (International Sustainability Standard Board) mais ces normes ne sont pas encore institutionnalisées : cela va prendre du temps.
Quel est le rôle de la direction financière ?
Aujourd’hui la direction financière est à la traîne sur les sujets RSE alors qu’elle pourrait jouer un rôle moteur. Mais les autres directions s’y mettent, les investisseurs demandent le respect de normes ESG : les directeurs financiers n’ont plus le choix !
La comptabilité générale n’est pas encore organisée pour produire des reportings extra-financiers, et pourtant c’est elle qui a accès aux informations nécessaires : les données nécessaires pour alimenter le bilan carbone proviennent à 80% de la comptabilité (matières premières, immobilisations…).
Comment intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises ?
Passer d’une comptabilité extra-financière à une comptabilité financière
Cela implique de monétiser les enjeux écologiques et sociaux pour les intégrer dans la comptabilité classique et ainsi arriver à une comptabilité globale. Aujourd’hui il y a une véritable cloison entre les données RSE et financières qui relèvent de directions différentes.
Un autre problème est la rupture entre la recherche et la réalité de l’entreprise, une rupture très prononcée en France
Néanmoins si les systèmes de comptabilité globale pensés par les chercheurs ne sont pas utilisés par les entreprises, Hervé Gbego ne pense pas que c’est parce qu’ils sont inadaptés. “Je cite souvent ce chercheur des Mines (Ibrahim Fall) qui dit : Le management est devenu un savoir paresseux qui fait fi de la complexité et du temps long.” Oui, il y a un effort intellectuel à faire, car c’est un sujet compliqué, mais ce n’est pas de la faute des chercheurs. Certes la méthode CARE (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement) n’est pas évidente à mettre en place en entreprise, mais chacune de ses étapes est nécessaire à son pilotage durable.
Comment évangéliser les investisseurs sur la question du pilotage durable ?
Les investisseurs sont très informés sur les sujets climatiques. Mais aujourd’hui il y a deux types d’investisseurs :
• Les investisseurs institutionnels qui adoptent une stratégie long-terme et s’intéressent donc à la durabilité de leurs actifs.
• Les court-termistes dont l’objectif est d’atteindre une rentabilité maximale.
L’objectif est de les sensibiliser au fait que la rentabilité financière est liée à la rentabilité extra-financière : une entreprise qui n’est pas performante sur ce plan-là hypothèque sa rentabilité future, et ne s'arme pas contre les risques de demain. Or la question de risque est primordiale pour tout investisseur : la prise de conscience de la nécessité d'un pilotage durable de l'entreprise se fera éventuellement.
On a hâte de revoir Hervé pour parler comptabilité verte plus en profondeur !
Si vous avez raté le webinar avec Hervé Gbego, voici le lien :)
Le lien pour s’inscrire et ne rien rater aux prochains Indiclub